« Nous devons adopter une autre attitude à l’égard des côtes. Nous devons prendre ensemble des décisions difficiles pour savoir où nous pouvons défendre, où nous devons défendre, et où nous devons nous retirer et laisser de l’espace au dynamisme des océans. »
De nouvelles données scientifiques révèlent que la capacité des océans à absorber le CO2 et à réguler les températures évolue d’une manière que nous ne comprenons pas. Ces changements cruciaux ne sont pas pris en compte dans les objectifs climatiques : c’est un risque que nous ne pouvons plus prendre. Avec le soutien du Fonds d’excellence en recherche du Canada, l’Université Dalhousie est à la tête d’une approche axée sur les océans pour lutter contre le changement climatique et doter le Canada des connaissances, des innovations et des opportunités nécessaires pour assurer un avenir climatique positif.
En savoir plusNotre lien avec la terre sur laquelle nous vivons est émotionnel. Leshumains sont territoriaux par nature. Mais que se passe-t-il lorsque lechangement climatique nous oblige à nous poser des questions difficiles surnotre capacité à continuer d’habiter les lieux que nous appelons notre maison?Que se passera-t-il lorsque nous pousserons la nature si fort qu’ellecommencera à nous repousser, et à nous expulser?
Dre Kate Sherren, chercheuse à Dalhousie, passe la majeurepartie de son temps à essayer de répondre à ces questions. Cette spécialistedes sciences sociales de l’environnement s’intéresse à la manière dont les gensvivent les changements liés au climat dans leurs habitations et à la façon dontils y réagissent.
Selon Dre Sherren, notre lien émotionnel avec les lieux où nous vivons peut nous inciter à faire de mauvais choix, que nous vivions près de forêts asséchées par la sécheresse ou dans des zones océaniques vulnérables à l’élévation du niveau de la mer et aux phénomènes météorologiques extrêmes.
« J’ai beaucoup travaillé avec les communautés côtières pour essayer de comprendre comment elles perçoivent les changements qui se produisent dans leurs paysages et s’il y a de la place pour des approches basées sur la nature afin de réduire les risques face au changement climatique », explique Dre Sherren.
« Il s’agit d’une méthodologie très large », dit-elle à propos de ses recherches qui utilisent des entretiens, des groupes de discussion, des enquêtes et l’analyse des médias sociaux pour se mettre à la place de ceux qui vivent près de l’océan. « Il s’agit essentiellement de comprendre comment les gens perçoivent et réagissent au changement mondial, et en particulier au changement côtier. »
Dans le cadre de ses recherches, Dre Sherren tente d’évaluer la réceptivité aux techniques de protection telles que la restauration de zones humides dans des régions telles que la baie de Fundy, au Canada, qui peuvent constituer des zones tampons naturelles. Mais elle essaie également de comprendre ce qu’il faut faire pour faire accepter des solutions qui peuvent être plus difficiles à avaler, comme le retrait total des lignes côtières.
« Nous devons adopter une autre façon d’aborder la question des côtes », déclare Dre Sherren. « Nous devons apprendre que les lignes que nous avons établies à un moment donné ne peuvent pas nécessairement être défendues. Nous devons prendre ensemble des décisions difficiles pour savoir où nous pouvons défendre, où nous devons défendre, et où nous devons nous retirer et laisser de l’espace au dynamisme des océans. »
Selon elle, plus nous en saurons sur les facteurs qui déterminent le changement climatique et océanique, mieux nous pourrons aider les communautés vivant le long des côtes du Canada et du monde entier à comprendre et à s’adapter. En tant que membre de l’équipe de recherche Transformer l’action pour le climat, Dre Sherren pourra exploiter les découvertes sur le rôle de l’océan dans le changement climatique et sa dynamique changeante pour aider à orienter l’engagement communautaire et les recommandations politiques.
« Les communautés côtières ont soif de ce type d’information. Pour elles, l’incertitude est encore énorme », déclare Dre Sherren. « Nous pensons, au fond de nous, que nous aurons le temps de prendre des décisions, que le changement sera progressif et que nous saurons quand nous devrons couper et fuir, ou nous adapter et reculer. »
Mais elle ajoute que les phénomènes météorologiques extrêmes, tels que le récent ouragan Fiona qui a frappé la côte est du Canada, démontrent que le temps de l’action est déjà venu. L’océan et le climat évoluent de manière observable et, dans le cadre du consortium de recherche Transformer l’action pour le climat, Dre Sherren entend contribuer à l’élaboration des politiques, à l’engagement et à l’action nécessaires pour assurer la sécurité des communautés.
Selon Dre Sherren, les émotions jouent encore un rôle important, même face aux faits. Elle prévient que les communautés menacées sont souvent convaincues que les digues et les murs sont les meilleurs moyens de protection. Mais, dit-elle, il n’est pas réaliste de penser que nous pouvons construire des interventions pour protéger chaque littoral vulnérable. Et même si nous y parvenions, nombre d’entre elles n’auraient aucune chance face à l’élévation du niveau de la mer ou à des phénomènes météorologiques de plus en plus destructeurs.
C’est pourquoi Dre Sherren préconise le rétablissement des défenses naturelles, telles que les zones humides, qui créent une zone tampon contre la montée des marées et les ondes de tempête. « Les approches fondées sur la nature ont une fonction d’autoguérison. Les zones humides de marée peuvent souvent se développer et s’élever d’elles-mêmes à mesure que le niveau de la mer augmente », explique-t-elle.
« Nous sommes habitués à l’illusion d’être protégés par des digues et des murs, même s’ils peuvent échouer de manière spectaculaire. Nous devons nous habituer à l’idée qu’il peut y avoir devant nous un littoral plus souple qui peut nous protéger. »
De plus, elle ajoute que nous devons nous habituer au fait que l’homme pourrait avoir besoin de se retirer de certaines zones pour créer de l’espace pour des côtes plus douces et plus sécuritaires.
« La plage et le littoral appartiennent à l’océan », explique la Dre Sherren. « Je pense que nous nous sommes habitués à l’idée qu’ils nous appartiennent. Mais ce n’est pas le cas. »